Renault plus low cost que jamais ?
Les entreprises françaises, notamment celles du CAC 40, sont-elles patriotes ? Nos confrères de l’Expansion se sont amusés à les classer en s’appuyant sur 4 éléments : la part des actifs en France, les gains fiscaux grâce aux filiales étrangères, l’évolution des effectifs en France depuis trois ans et leur part en France. Verdict : Renault est sur le podium… deuxième entreprise (5,5/20) du CAC 40 la moins patriote après PPR (4,7/20). PSA, avec une moyenne de 8,8/20, est en 10e position. Cependant, ce classement pas vraiment flatteur ne doit pas faire oublier ce que représentent les deux constructeurs français à l’échelle européenne et mondiale. PSA, bien que confronté aujourd’hui à un problème de plus en plus aigu de taille critique pour assurer son développement mondial (la mise en veille du projet indien en témoigne), demeure dans le top 10 avec 3,55 millions de véhicules vendus dans le monde en 2011. Et Renault, dans un sens, fait encore mieux si l’on étudie son “périmètre Ghosn”. En effet, si le groupe Renault (Renault, Dacia, Samsung) se limite à 2,77 millions d’unités, avec Nissan (4,67 millions), l’Alliance présidée par le Franco-Libanais vient de dépasser les 8 millions d’unités (avec le russe AvtoVaz, à 637 000 unités, dont l’Alliance devrait prendre le contrôle en mars prochain), devenant ainsi le 3e groupe mondial derrière GM et Volkswagen, mais devant Toyota. Cette stratégie mondiale, symbolisée par la réussite de l’Alliance qui vient d’ailleurs de prendre une nouvelle tournure prometteuse avec l’arrivée de Daimler, appelle toutefois quelques interrogations, principalement sur la marque Renault et son périmètre européen.
Le low cost n’a jamais eu vocation à être produit en France
Les deux entreprises sont aujourd’hui face à de nouveaux défis qui conditionnent leur avenir. PSA a fait le choix d’une montée en gamme, alors que Renault a jusqu’ici parié sur le low cost. Et cela continue d’ailleurs puisque Carlos Ghosn a confirmé que le travail sur une plate-forme ultra low cost se poursuivait. Un pari pris sur les marchés émergents au lancement du projet par Louis Schweitzer en 1998. Mais l’arrivée de la Logan, en 2004, a fait voler en éclat les schémas initiaux, amenant le constructeur à vendre ses Dacia en Europe de l’Ouest. Un succès qui a sans doute obligé l’état-major du constructeur français à repenser l’avenir de la marque Renault en Europe de l’Ouest car, à l’international, ce sont des Dacia badgées Renault qui défrichent et explorent de nouveaux marchés comme la Russie ou le Brésil. Mais quels qu’aient été les choix ou les modifications de stratégies, une chose n’a aucunement varié : ces véhicules low cost n’ont jamais eu vocation à être produits en France, et ne le seront jamais. Partant de ce constat, l’usine de Tanger n’a rien d’une agression caractérisée contre l’industrie française. Même en supprimant l’ensemble des charges qui pèsent sur le travail en France, cela n’aurait pas été possible car le salaire moyen d’un ouvrier marocain de cette nouvelle usine est équivalent à 250 euros. Ceux de l’usine Dacia de Pitesti, en Roumanie, gagnent environ 450 euros par mois. Fin de la polémique politicienne. En revanche, ce développement de la branche low cost du groupe Renault, même si elle pèse pour 630 millions d’euros dans les activités françaises du constructeur, fait naître de légitimes interrogations sur l’avenir des sites de production en France, qui ne peuvent être cantonnés qu’à des productions plus haut de gamme. Et ce n’est pas vraiment le point fort de Renault pour l’heure.
Une réorganisation de l’outil industriel en Europe de l’Ouest
En 2011, Renault a produit dans ses usines françaises 646 319 unités, dont 444 862 VP et 201 457 VUL, sur les 2,7 millions de véhicules vendus dans le monde. Un chiffre qui n’a cessé de baisser depuis 2000, où le constructeur avait alors produit 1 166 724 unités dans l’Hexagone. Chez PSA, la production nationale a également baissé mais dans des proportions moins fortes avec 1 233 455 en 2011 contre 1 599 079 en 2000. Bien qu’il soit illusoire de croire que les niveaux anciens pourront à nouveau être atteints un jour, Renault a annoncé que sa production hexagonale allait augmenter dans les années à venir. “Je me suis engagé à ce que, sur le moyen terme, la production de Renault en France augmente tous les ans” a déclaré le président de Renault. En effet, le constructeur de Boulogne a présenté en avril dernier une réorganisation de son outil industriel tourné vers des produits avec une valeur ajoutée plus forte. “La performance et la compétitivité de nos usines sont des facteurs clés du succès de notre prochain plan stratégique”, avait alors affirmé Carlos Ghosn. Ainsi, d’ici à 2016, les éléments des VE, notamment les moteurs et les batteries, vont prendre davantage de place dans les usines existantes. Puis 80 % des VE Renault vendus dans le monde seront produits en France. Ensuite, à partir de 2013, le futur Trafic va être rapatrié à l’usine de Sandouville (230 millions d’euros d’investissement) alors que les futurs haut de gamme européens frappés du Losange, attendus à l’horizon 2014, seront assemblés à Douai (420 millions d’euros d’investissement). Mais n’oublions pas que les usines de Renault implantées à l’étranger, qu’elles assemblent des Renault ou des Dacia et quelquefois des Nissan, reçoivent de nombreux éléments fabriqués en France, comme les moteurs, les trains roulants et, plus difficilement palpables, des heures d’ingénierie. Des fabrications qui représentent le gros de l’activité du constructeur dans l’Hexagone puisque l’assemblage des véhicules ne participe que pour 15 % de celle-ci. “79 % des trains arrière, 60 % des trains avant, 37 % des moteurs et 15 % des boîtes de vitesses fabriqués en France par le groupe sont exportés, et 80 % des activités d’ingénierie sont faites en France”, a précisé Renault. Chaque voiture sortant de l’usine de Tanger “rapportera 800 euros à la France parce qu’il y a 400 euros de pièces livrées depuis la France et 400 euros d’ingénierie”, avait indiqué Carlos Tavares, le n° 2 de Renault, durant la tempête politico-médiatique sur l’inauguration de l’usine marocaine. Une large réorganisation est ainsi en marche. Attendons donc un peu pour juger de la politique française de Carlos Ghosn. Car, comme les autres patrons de l’industrie automobile, il doit résoudre chaque jour de nombreuses équations. Puis un peu d’optimisme ! Son travail à la tête de Nissan est couvert de louanges, et il est difficile de croire qu’il perde sa vision et ses compétences une fois passé le seuil de son bureau de Boulogne.
Renault : un constructeur populaire ?
Si l’outil de production européen de Renault doit logiquement s’adapter au vu du contexte de marché en Europe et des surcapacités de notre continent, le français doit aussi assurer son expansion et son avenir à l’international. Et Tanger doit être considéré comme tel, comme la nouvelle usine en Inde, ou la refonte complète de l’usine AvtoVaz de Togliatti en Russie ou encore la nouvelle usine de Nissan au Mexique. A Tanger comme ailleurs, il faut avoir l’Alliance en tête. Car, effectivement, un modèle Nissan sortira de cette nouvelle usine. En attendant, le Dacia Lodgy va quitter les chaînes avant que n’arrive en fin d’année le Dokker, une sorte de Kangoo low cost basé sur la même plate-forme que le monospace Dacia. Ainsi, dans cette première phase de montée en puissance, 170 000 unités devraient tomber des lignes annuellement. En 2012, seulement 70 000 unités seront produites, fin 2013, l’usine sera capable d’assembler 340 000 unités grâce à l’entrée en fonction d’une deuxième ligne. Le site pourra même atteindre 400 000 unités par an, notamment en élargissant le travail aux week-ends. Une production exportée à près de 90 %, principalement vers l’Europe, bien que Carlos Ghosn ait indiqué que le site de Tanger produira également des CKD à destination du Brésil, où le Lodgy portera le badge Renault. La gamme Entry du groupe Renault devrait ainsi franchir la barre du million de ventes en 2013, contre 813 800 en 2011. Renault est-il en train de définitivement basculer dans le low cost ? A l’international, il y a peu de doute. Quant à l’Europe, principalement de l’Ouest, il faudra jouer sur les mots et parler d’un constructeur populaire. N’est-ce finalement pas ce que Renault a toujours été ?
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